Quand le printemps revient
Je marche. Pas pour fuir, ni pour chercher. Juste pour sentir. Le sol est humide sous mes pas, la terre respire encore la dernière pluie. Elle a cette odeur de promesse, de recommencement. Je tends la main vers une branche nue, frôlée par l’automne. Elle me parle, elle aussi. Elle me dit que tout passe, que tout revient, mais jamais tout à fait pareil.
Je suis un homme fait de cycles. Comme les arbres. Comme les vents. Il y a eu des printemps en moi, des bourgeons d’espoir, des pulsations neuves. Des étés brûlants, où chaque regard était une caresse, chaque nuit un feu. Puis l’automne est venu, avec ses couleurs qui saignent doucement, ses silences dorés. Et l’hiver… ah, l’hiver. Celui qui glace sans tuer, qui enseigne la patience, le repli, le murmure.
Je ne crois pas en la ligne droite. Je crois en la spirale. En ce retour constant vers soi, mais enrichi de ce qu’on a vécu. Je crois que l’amour, le vrai, n’est pas une flamme vive. C’est une braise qui couve, qui attend qu’on souffle dessus avec tendresse. Il est dans les gestes simples : une main posée sur une épaule, un regard qui ne juge pas, un silence partagé sans gêne.
La nature m’a appris à aimer sans posséder. À désirer sans consumer. À toucher sans abîmer.
Je suis fait de chair, oui. Mais ma peau est poreuse aux saisons. Quand l’été me traverse, je suis tout entier dans la lumière. Quand l’hiver me prend, je me serre contre moi-même, je me parle doucement. Et quand le printemps revient, je me redresse, je tends les bras, j’ouvre les lèvres.
Quand le printemps revient
Sous mes pas, la terre soupire, gorgée de pluie, de souvenirs.
Le vent caresse ma joue, comme un amant revenu trop tard.
Je suis fait de saisons.
De bourgeons timides et de feux d’été, de feuilles mortes qui dansent et de silences givrés.
Quand le printemps revient, je redeviens peau.
Peau qui frissonne au moindre rayon, peau qui s’ouvre, qui attend, qui ose.
Les arbres me parlent en gestes lents, leurs branches tendues comme des bras, leurs racines profondes comme mes pensées quand je t’imagine, là, tout contre moi.
Je ne cherche plus à comprendre, je laisse le monde m’effleurer.
Chaque fleur qui s’ouvre est une réponse, chaque oiseau qui chante, une prière.
Aimer, c’est peut-être ça : se laisser traverser par le temps, embrasser les métamorphoses, et renaître, encore, quand le printemps revient.
Quand le printemps revient
Kaspin Jacques Fusain et pastel sur papier, 2025
Dans « Quand le printemps revient », Kaspin Jacques livre une œuvre d’une intensité rare, où le portrait devient territoire de mémoire et de renaissance. Ce profil stylisé, sculpté dans l’ombre et traversé de pulsations colorées, incarne une saison intérieure — celle du retour à soi, du frémissement après le gel.
Le fusain, dense et granuleux, trace les contours d’un visage habité, marqué par le temps. Il évoque les hivers du corps, les silences accumulés. Les pastels, eux, surgissent comme des éclats de vie : orange, rouge, violet — autant de battements, de désirs, de souvenirs qui remontent à la surface. Ces couleurs ne viennent pas illustrer : elles respirent, elles vibrent, elles renaissent.
L’œuvre s’inscrit dans une démarche contemporaine où la figuration devient poétique. Le fond neutre isole le sujet, l’élève, le rend universel. Ce n’est pas un visage que l’on contemple, c’est une métamorphose. Une saison qui revient, sans fracas, mais avec une force tranquille.
Le trait de Jacques est à la fois brut et caressant, comme une main hésitante entre retenir et laisser partir. Il interroge les cycles de l’existence, la spirale du désir, la beauté des renaissances discrètes. L’œuvre ne cherche pas à séduire — elle invite à ressentir.
« Quand le printemps revient » est une ode à la vulnérabilité, à la tendresse du recommencement. Elle nous rappelle que l’art n’a pas besoin de crier pour être entendu — il peut murmurer, et laisser des échos.
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When Spring Returns
Beneath my feet, the earth sighs, soaked in rain, steeped in memory.
The wind brushes my cheek, like a lover arriving too late.
I am made of seasons.
Of timid buds and burning summers, of dancing dead leaves and silences laced with frost.
When spring returns,
I become skin again.
Skin that shivers at the slightest ray, skin that opens, that waits, that dares.
The trees speak to me in slow gestures, their branches stretched like arms, their roots deep as my thoughts when I imagine you, close against me.
I no longer seek to understand,
I let the world graze me.
Each blooming flower is an answer, each singing bird, a prayer.
To love is perhaps this: to let time pass through you, to embrace transformation, and to be reborn, again, when spring returns.
When Spring Returns
Kaspin Jacques Charcoal and pastel on paper, 2025
In When Spring Returns, Kaspin Jacques offers a deeply evocative portrait that transcends figuration to become a meditation on time, memory, and emotional renewal. Rendered in charcoal and pastel, the work captures a side profile with expressive force—its contours carved in shadow, its essence suspended between silence and awakening.
The charcoal, raw and tactile, evokes the weight of introspection, the sediment of past seasons. It sculpts the face with a quiet intensity, revealing not just form but inner terrain. Pastel accents—flashes of orange, violet, and red—interrupt the darkness like emotional pulses, suggesting warmth, longing, and the first stirrings of desire. These colors do not decorate; they breathe.
Jacques’s approach is resolutely contemporary, yet timeless in its emotional resonance. The neutral background isolates the figure, allowing the viewer to enter a space of reflection. This is not merely a portrait—it is a season embodied. A season that returns, not with spectacle, but with quiet insistence.
The artist’s line is both deliberate and vulnerable, like a hand unsure whether to hold or release. The work speaks of cycles—of love, loss, and the tender courage to begin again. It does not seek to impress; it invites us to feel.
When Spring Returns is an ode to vulnerability and the beauty of subtle rebirth. It reminds us that art need not shout to be heard—it can whisper, and still leave echoes.







